mercredi 3 février 2016

Omerta sur la déception


A-t-on le droit d'être déçu aujourd'hui? Si oui, il ne faut pas le dire trop fort, parce que ça sonne bougon ou perdant. On reçoit une mauvaise nouvelle? Vite, il faut s'empresser de voir la moitié du verre qui est restée pleine, pas le droit de s'épancher sur le vide qu'elle laisse derrière elle. Pourtant, une mauvaise nouvelle apporte nécessairement son lot de découragement, déception, tristesse, deuil, inquiétude, toutes des émotions qui laissent une impression de vide dans la poitrine. Mais le vide n'est pas à la mode, il faut vite le remplir pour ne plus le voir et surtout, ne plus le ressentir parce que c'est négatif et surtout, contre-productif. Donc, quand quelqu'un dans notre entourage nous annonce qu'une tuile vient de lui tomber sur la tête, on cherche tout de suite à minimiser l'impact que ça aura dans sa vie, on dénigre ce qui est à l'origine de ce petit malheur pour être bien sûr que notre ami ne se sente pas diminué ou blessé, on met le focus sur le positif qui ressort de la situation, on veut éviter à tout prix le vertige du vide en le remplissant de paroles réconfortantes et encourageantes. Ce n'est pas mal,  au contraire, c'est une belle démonstration d'amour et de soutien. Mais qu'arrive-t-il quand la personne éprouvée se retrouve seule et qu'elle a juste envie de pleurer ou de crier sa peine ou sa rage? Se donne-t-elle le droit de l'exprimer ou met-elle tout en oeuvre pour la refouler? Comment doit-on encaisser les revers de la vie si on ne veut pas être étiqueté comme plaignard ou jugé faible ou pessimiste? Je n'ai pas de réponse, je me pose simplement la question. 

À l'ère où les réseaux sociaux nous exposent constamment à des images de réussite, de bonheur couleur pastel, de vie idyllique pleine de coeurs et de bonhommes sourire, oser exprimer sa déception ou son désenchantement est-il devenu le dernier des tabous? Qui a envie d'écouter quelqu'un qui ne va pas bien? Parce que ça prend du temps écouter, du temps et de l'énergie aussi, qu'on a en moins pour s'entraîner, méditer ou cuisiner comme Marilou... Quelle drôle d'époque où on a l'impression d'être tous connectés aux autres, du moment que ça se gère en 140 caractères; la déception se résume mal en si peu de mots et n'est pas très photogénique non plus. 

Elle continue d'exister pourtant, même si on ne veut pas la voir et l'entendre. Alors, on fait quoi quand elle nous tombe dessus? On se sert un thé bien chaud et on remplit sa tasse jusqu'au bord pour être sûr qu'elle n'est pas à moitié vide, on l'accompagne d'un morceau de chocolat, on sort ses carnets et ses crayons de couleur pour chasser le spleen et surtout, on prend le tout en photo et on le met sur Instagram, haha! Vous me trouvez cynique? C'est pas beau ça non plus, hein! Y'a des journées comme ça, s'cusez-là!

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