mercredi 8 juillet 2015

Je m'interroge...

J'ai terminé la lecture de cet essai dernièrement: 



Une petite plaquette qu'on reçoit comme un pavé dans la mare du bonheur qui a le dos large, il faut bien l'avouer. On nous le sert à toutes les sauces depuis quelques temps, vous avez remarqué? Comme s'il devait être présent dans TOUTES les sphères de notre vie: 
-en faisant l'épicerie "Mmmm, sentez cet ananas!" -j'ai beau sniffer, je ne sens rien, un ananas vert pas mûr, ça sent rien!
-en achetant une voiture "Laissez vous transporter dans une autre dimension" -laquelle, la quatrième?!!
-en lavant la vaisselle " Savon à odeur de lotus bleu qui incite à la méditation" -les mains dans l'eau graisseuse, je plane...
-même en lavant nos bobettes "Grâce à notre assouplisseur, vous ferez des beaux rêves!"  -des bobettes qui sentent la lavande, ça m'aide pas à dormir, ça me donne des boutons!

Bref, le bonheur est à la mode, on ne se gêne pas pour l'utiliser comme argument de vente et pas seulement pour les produits de consommation, comme nous le fait réaliser Marie-Claude Élie-Morin, l'auteure du bouquin coup de poing. Dans les mondes du travail et de la santé entre autres, on louange les mérites d'une attitude positive qui fait toute la différence, on veut des gens optimistes, sereins, épanouis pour accomplir un boulot ou vaincre une maladie. Malheureusement, cette recherche de l'attitude du "gagnant" conduit parfois à des dérives du genre: si vous vous laissez à la tristesse, à la déprime, au découragement, votre échec sera entièrement de votre faute. Bien sûr qu'aborder la vie avec le sourire plutôt qu'avec un nuage noir au-dessus de la tête aide à relever les défis, à traverser les écueils, les épreuves, mais de là à penser que si on n'est pas rayonnant de bonheur, on n'arrivera pas à boucler un gros dossier ou pire, à guérir d'une maladie, c'est grave!  Est-ce là l'un des effets pervers de l'omniprésence du concept du bonheur dans notre imaginaire collectif: nous culpabiliser de ne pas être assez heureux tout le temps, pour tout? 

Mme Élie-Morin soulève la question en nous racontant notamment l'histoire de son papa, mort fâché de ne pas avoir surmonté une récidive de cancer malgré un style de vie zen avec un grand Z. S'accuser d'être l'artisan de son propre malheur parce qu'on n'a pas réussi à être suffisamment heureux? Je ne sais pas pour vous, mais ça sonne drôle, non? Ça m'apparaît si paradoxal! Je m'interroge...

Je m'interroge car c'est un sujet qui me touche et m'interpelle. Le bonheur est mis de l'avant chez nous, par toutes sortes de moyens simples qui tentent de nous ramener à l'essentiel: une vie branchée sur le coeur le plus souvent possible, pour éviter de tomber dans les pièges du stress, de la morosité, de l'apathie. Une tasse de thé, un morceau de chocolat, une chanson qui nous fait vibrer, un film qui nous bouleverse, écrire dans un cahier, gribouiller, s'exprimer en créant un petit quelque chose, flatter un petit animal qu'on aime, lire, être curieux, découvrir, apprendre, rire, être ensemble, s'aimer, voilà à quoi le bonheur ressemble chez nous. Pas de pression ou de culpabilisation d'être trop ceci ou pas assez cela, le moins souvent possible en tout cas. Du bonheur donc, mais sans tomber dans les extrêmes. 

J'endosse les théories du bonheur lorsqu'elles me sont présentées avec ouverture d'esprit, flexibilité, douceur, humour, pas quand elles sont rigides comme les dix commandements; fais ci, fais ça, sinon, point de salut! Ou qu'on me les impose comme étant la vérité suprême; souris à l'univers et l'univers te sourira -c'est ça LE secret?? Et ce n'est pas parce que je dis oui au bonheur que je n'ai plus le droit d'être en colère, triste ou anxieuse! Pensez que des gens s'empêchent de vivre ces émotions de peur de provoquer un malheur m'inquiète. 

Donc, je m'interroge: le bonheur, dictature ou pas?



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