jeudi 16 septembre 2021

Mon royaume est plus beau que le tien*


illustration de Jane Massey


En fermant les yeux, je peux presque sentir l’odeur des fleurs sauvages qui poussaient pêle-mêle autour de notre chalet gaspésien, grand comme une boîte d’allumettes. Mon père l’avait construit avec l’aide d’oncles du coin, le gros de l’ameublement provenait des hangars et garages de la famille. Je me souviens comme si c’était hier de la bonbonnière que ma grand-mère paternelle nous avait léguée, de la jarre à biscuits en verre taillé, des boîtes de métal vert olive détournées de leur usage initial pour une utilisation plus pratique. Le comptoir orange, les chaises de cuisine dépareillées, le tapis ovale tressé, le petit frigo au dessus étoilé, tous les détails domestiques de ce lieu de vacances chéri sont restés imprimés dans ma mémoire de façon indélébile. Jusqu’au mouvement hoquetant de la chaise berçante qui nous donnait des sueurs froides parce qu’elle swignait trop loin par derrière. Ce décor a fait la joie de ma petite enfance, y revenir à chaque été constituait un bonheur pur, fébrile, entier. 

Il faut dire que de quitter, pendant les mois estivaux, un cinq et demi de Montréal-Est pour se retrouver dans cette campagne indomptée était une forme de délivrance, un rêve éveillé. La fenêtre de ma chambre d’été donnait sur un carré d’herbes folles où le cheval de trait de M. Omer venait brouter sans gêne. Cet homme au visage cuit par le soleil et au regard doux était à l’origine de la construction de notre petit royaume, puisque c’est lui qui nous avait vendu un morceau de sa terre. Sa grange était notre voisin de droite, ses champs de foin celui d’en face. Grâce à lui, ma tête et mon cœur de petite fille se sont remplis de souvenirs brillants comme des joyaux. 

Quel plaisir fulgurant pour un enfant que de grimper dans la charrette qui récolte les foins, tirée par cette vieille bourrique qui nous saluait en hennissant. Quel plaisir éblouissant que de trouver, cachée dans le fourrage odorant de la grange décatie, une chatte et sa portée de p’tits minous. Et les montagnes qui se dressaient devant moi! Cette portion des Appalaches millénaires qui habillaient le fond du paysage de carte postale dans lequel je courais, émerveillée et libre. Et la mer qui apparaissait au bout de notre rue! Le fleuve Saint-Laurent, transformé en golfe à cette hauteur, prenait des allures d’océan et m’impressionnait, m’enchantait. Peut-être pas autant que la cantine qui se dressait sur la plage et nous ensorcelait avec son parfum de patates frites et ses bouteilles de 7UP qu’on buvait comme si c’était du champagne.

Que j’ai été heureuse dans cet environnement! Comment pouvait-il en être autrement? Tout y était réuni pour construire des moments merveilleux, inoubliables. Mon grand-père conduisait une Beetle bleu poudre. Homme de peu de mots, il nous disait je t’aime à sa manière, en déposant sur le coin de notre galerie un pâté à la viande que ma grand-mère avait cuisiné pour nous. Mon oncle venait tondre le gazon quand mon père repartait pour la ville, en prenant soin de contourner le bosquet de mauves musquées offert par ma tante Alice. Mes cousins-cousines, tous plus vieux que moi, me faisaient découvrir des choses encore inconnues : disques de Supertramp et de Pink Floyd, romans photos, baignades dans la mer si froide, feux de grève, olympiades sur le sable, cerises sauvages et crevettes de Matane, j’accumulais les expériences éparses comme on se monte une collection de macarons bigarrés, précieux trésors. Et j’étais bien, infiniment bien, je ne voulais jamais que ça s’arrête.

Pourtant, ces parenthèses dans notre vie métropolitaine avaient bien une fin. Chaque mois d’août sonnait le glas de ce bonheur fugace et durable à la fois. Car je savais que l’été suivant, au détour de la 132, apparaîtraient de nouveau cette baie si chère à mon cœur, puis ce village, puis cette rue, puis ce chalet. Mon petit chalet. Mon royaume. Bien plus beau que celui de Disney qu’on nous présentait le samedi à la télé. Mon bout de paradis au creux des montagnes de la Gaspésie.

*Ce texte a été rédigé dans le cadre du concours Prix du récit Radio-Canada 2021. Comme il n'a pas été retenu parmi les textes finalistes, je me permets de vous le partager.

mercredi 27 juillet 2016

La vie à travers un écran?

Dixième essai Instagram!


Je me suis fait prendre au jeu : alors que j’étais assise face au soleil qui se couche sur le fleuve, plutôt que de me laisser imprégner par la beauté du spectacle, j’ai tenté de croquer sur le vif la boule de feu qui descendait dans l’eau pour la mettre sur Instagram. Devant le peu de résultats satisfaisants que me donnait mon vieux IPhone, je me suis mise à bidouiller la moins pire des photos avec tous les filtres et ajustements fournis par l’appli. Pour finalement ne publier aucun cliché et surtout, me rendre compte que j’avais manqué le coucher de soleil, bravo championne! 

Je m’étais laissée happer par la technologie au lieu de vivre la magie de l’instant et je m’en voulais. Puis je me suis dit que si j’avais eu un appareil photo dans les mains, j’aurais probablement eu le même réflexe, celui de vouloir immortaliser le moment pour créer un beau souvenir. Pourquoi m’auto-flageller parce que j’avais dégainer mon cellulaire alors? Sans doute à cause des options d’amélioration de l’image, qui faussent un peu la réalité. Sans doute aussi parce qu’au lieu d’avoir les yeux rivés sur le ciel orangé, ils étaient vissés sur un écran. Pas très longtemps, mais juste assez pour que le soleil ait tiré sa révérence et que je reste avec l’impression d’avoir manqué quelque chose pour des mauvaises raisons.

Cette petite anecdote m’a remis sous le nez les drôles d’habitudes qu’on développe, un peu sans s’en rendre compte, depuis que les téléphones intelligents ont fait leur entrée dans nos vies. Et m’a permis de me réajuster pour le reste des vacances; des photos instantanées, oui, mais vraiment instantanées, pas retouchées, ou très peu, parce que la vraie photo, celle qu’on voit live, c’est toujours la meilleure! :)

mardi 12 juillet 2016

Le stress des vacances

Image tirée de scoop.it / Pinterest

Jusqu'à mon adolescence, ma famille a eu un chalet en Gaspésie, plus précisément à Mont-Louis, au nord de la péninsule. Nous adorions y séjourner, mais puisque la région est grande comme trois pays d'Europe, nous avons souvent profité de nos vacances là-bas pour aller découvrir les beautés qui remplissaient le guide touristique. On partait à l'aventure, sans trop de planification et surtout, sans réservation dans aucun hôtel, on vivait dangereusement! Pourtant, on finissait toujours par trouver une place où dormir. Pas des châteaux c'est vrai, mais l'essentiel y était, deux lits (avec springs qui piquent le dos) et une salle de bain (bleu poudre ou vert olive). On mangeait notre ordre de toasts dans le restaurant du motel le lendemain matin et on poursuivait notre route, superbe 132 panoramique qui offre des paysages à couper le souffle.

Quand je repense à cette époque, sans Trivago et autres Airbnb, je suis un peu nostalgique. Parce que oui, on avait parfois de mauvaises surprises en débarrant la porte de la chambre qui semblait tout droit sortie des années 60, mais Dieu que c'était moins compliqué qu'aujourd'hui! Avec tout ces moteurs de recherches, ces commodités de réservation en ligne, ces avis d'utilisateurs qui commentent jusqu'à la couleur des débarbouillettes, ça devient parfois un véritable casse-tête de juste faire un choix! Les possibilités semblent infinies! Ou alors, c'est tout l'inverse; il reste seulement trois chambres pour nos dates, et on nous avertit que deux autres personnes sont en train de consulter la même page que nous pour effectuer une réservation. Méga-stress!!! On se dépêche de cliquer avant les autres et on se retrouve avec une suite de luxe qu'on ne voulait absolument pas louer! Drôle d'époque où tout est à la fois plus facile et plus compliqué!

Maintenant, pour avoir des vacances dignes de ce nom, il faut se prendre six mois à l'avance, sinon, on risque de se ramasser au camping Madeleine sur le bord de l'autoroute à fêter le Noël du campeur avec les permanents qui décorent leurs roulottes (et si c'est votre cas, ne le prenez pas mal, ce n'est juste pas mon truc, mais je n'ai rien contre ça! ;) ). Quand on annonce à nos amis qu'on a encore rien réservé à trois semaines de notre pause estivale, on a droit au "Ben là, y restera pu rien!". Vraiment? Dans une province aussi grande que le Québec, il n'y a plus moyen de partir sur le fly? Il faut savoir six mois à l'avance où on ira se doucher tel jour, à telle heure? Ça a l'air que oui! 

Bon, si je suis bonne joueuse, je dois admettre que cette façon de procéder a fait exploser l'offre d'hébergements, qu'elle permet de se dénicher des petites perles qu'il était plus difficile de trouver avant, qu'elle diminue beaucoup le coefficient de scénarios catastrophes du genre "C'est complet partout madame" ou "Il nous reste une petite cabine, mais elle n'a pas été rénovée depuis 1982", etc. Sauf que le pendant négatif de tout ces avantages, c'est le stress que ça crée, car pour moi, préparer les vacances à l'ère 2.0 est un peu plus anxiogène que partir sur une go faire le tour de la Gaspésie, sans téléphone intelligent qui te dit qu'il n'y a plus de chambre disponible dans un rayon de 50 km...


lundi 30 mai 2016

Se détacher des petits pois / poids

The Princess and the Pea, illustration par Edmund Dulac, 1911

Samedi matin, un bruit de moteur strident et continu entre allègrement dans mon intimité par les fenêtres grandes ouvertes parce que, oui, les beaux jours ramènent tous ces sons indésirables dans nos maisons. Je jette un coup d'oeil dehors et j'aperçois mon voisin qui se bat contre quelques pauvres brins d'herbes à grands coups de Weed-Eater à gaz. En le voyant s'acharner ainsi, je fais le constat suivant: en cette ère où les changements climatiques sont tellement préoccupants pour la santé de notre planète, comment peut-on dépenser autant d'essence pour couper trois bouts de gazon?? Comment nos priorités ont-elles pu changer au point de nous conduire à ça??

Plus tard dans la journée, mon conjoint m'amène faire une balade dans un quartier que je ne connais pas. Nous songeons à déménager et tentons de nous trouver un petit coin plus tranquille que notre rue de banlieue où les maisons s'entassent les unes sur les autres. Nous aboutissons donc sur un chemin boisé où j'aperçois, à travers les touffes de sapins, des immenses demeures dignes de familles d'aristocrates. Je devine qu'elles n'abritent pas des ménages de 25 personnes, mais fort probablement des cellules de quatre ou cinq membres d'un même noyau. Et la question suivante me vient en tête: pourquoi de si grandes maisons?? Ça sert à quoi?? Je vous jure, ces résidences auraient pu servir d'hôtels! Pourquoi une si vaste habitation si elle est à moitié vide?

Le lendemain, pendant que ma plus jeune est partie pratiquer ses katas avec son papa, j'écoute avec ma grande la fin d'un film (plutôt mauvais, mais Harrison Ford y joue un rôle principal, wouh!) que j'ai enregistré la veille. Ça raconte l'histoire (vraie) d'un père qui tente l'impossible pour sauver ses enfants d'une maladie incurable. Mal joué, mal réalisé et pas subtil pour deux sous, ce navet a quand même réussi à me faire pleurer, au grand dam de ma fille qui se désole devant tant de sensiblerie. 

Et elle n'a pas tort, car suite à toutes ces "hyper-réactions", j'en viens à me demander si je ne suis pas trop sensible. Être autant touché, remué, perturbé, inquiété par tout et par rien devient épuisant à la longue et même un peu handicapant, parce que tout se présente sous des angles tellement poignants, dérangeants, interpellants qu'on en vient à éviter certaines situations pour s'épargner un peu le coeur et l'esprit.

Donc, je fais quoi pour atténuer ça? Je me blinde, me durcit le coeur, prends mes distances? Non! Parce que le monde a besoin d'engagement, de bonté et d'empathie! Mais sans prendre mes distances, je tente d'avoir un peu plus de recul et de ne pas me laisser affecter à ce point par des détails de la vie d'aujourd'hui, de ne pas généraliser, de rire un peu plus de nos travers, de ne pas m'en faire avec tout mais seulement avec ce que je peux changer, de moins analyser, de plus agir et surtout, de ne plus écouter de films conçus exprès pour nous faire pleurer!

Hypersensibles, apprenons à ne pas trop s'attarder à la roche dans notre chaussure ou au petit pois sous le matelas, la vie n'en sera que plus belle!

jeudi 26 mai 2016

Le courage d'être authentique.

 "Je vais bien." Vraiment?   Source: Pinterest

Je me suis offert un pot du bonheur, vous savez, les boîtes de conserve remplies de sages pensées qu'on pige à chaque jour une année durant? (Ne cherchez pas ça dans la rangée des petits pois en passant, moi je l'ai trouvé chez Mère Hélène.) Donc, une citation quotidienne pour s'inspirer, méditer ou réfléchir à ce qu'on peut faire pour être heureux, mieux dans sa peau, en paix, etc. La plupart me font sourire, mais parfois, il y en a qui me font sourciller, comme celle-ci:

Soyez vous-même à chaque seconde de chaque jour.

Méchant contrat ça madame! Parce qu'être soi-même à chaque instant demande d'être assez fort pour:
  • être capable de dire ce que l'on pense vraiment plutôt que ce que les autres veulent entendre
  • ne pas se sentir obligé de répondre aux attentes
  • ne pas craindre de peiner ou de décevoir
  • ne pas avoir peur du ridicule
  • ne pas redouter d'être critiqué
  • ne pas se soucier du regard des autres 
  • ne pas chercher le consensus ou l'approbation
  • sortir des sentiers battus et s'exposer au jugement
  • accepter d'être différent 
  • assumer les conséquences de ses actes 
  • renoncer à être aimé de tous

Entre autres. C'est beau et noble, mais il faut faire preuve d'une dose phénoménale de confiance en soi et d'assurance pour mettre tout ça en pratique, non? 

J'aimerais pouvoir affirmer que je suis authentique à 100%. En fait, j'essaie d'être vraie le plus souvent possible, mais je me frappe souvent aux "obligations sociales" (on "doit" être comme ci ou comme ça) et surtout, aux !@#$%? d'attentes qui, mêmes lorsqu'elles ne sont pas exprimées, sont toujours là à nous flotter au-dessus de la tête et à nous peser sur les épaules. Je rêve de pouvoir m'en affranchir! Et comme j'admire ceux et celles qui y parviennent parce que pour moi, d'avoir ce courage-là, c'est d'être un homme ou une femme libre et ça, c'est ce à quoi j'aspire le plus.

Authentique donc. La bonne face qui va avec la bonne émotion, pas comme sur la photo. Y arrivez-vous? Si c'est le cas, je vous dis bravo et vous implore de me donner vos trucs! Sinon, je vous somme d'avoir un peu d'indulgence envers vous, car ça prend un front de boeuf, un coeur pur et un aplomb du tonnerre pour réussir ça, et comme ces attributs sont loin d'être donnés à tout le monde, ne soyons pas trop vindicatifs dans notre auto-critique. Ceci dit, je ne renonce pas, je continue de travailler ma vérité sur le chemin de la liberté. Vous me suivez? :)





lundi 18 avril 2016

Drapeau blanc


Je viens de terminer la lecture de La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen, une histoire d'adolescence embrumée par la drogue, empreinte d'amertume et de désillusions. Efficace, mais rude, très rude. Juste avant, j'avais lu Peine perdue d'Olivier Adam, un auteur que j'adore. Il écrit sublimement, mais chez lui aussi, on retrouve une dureté, un désespoir implacable dans sa façon d'appréhender le monde. Peine perdue n'y échappe pas; cette histoire de gens modestes qui se démènent avec la vie du mieux qu'ils peuvent a beau être traversée d'éclairs de tendresse, c'est le drame qui l'emporte. 

Entre ces deux romans, j'ai lu des articles ou chroniques dont les sujets étaient tous aussi réjouissants les uns que les autres: scandale des Panama papers, coupes de personnel dans les écoles, culture du nombrilisme, le Québec qui n'aime pas ses enfants, clauses de la loi 20 qui restreindraient le droit à l'avortement, etc. J'ai entendu Infoman ironiser sur la notion d'erreur qui n'existe plus, tout est pardonnable aujourd'hui et personne ne veut plus admettre qu'il a eu tort. J'ai vu des reportages sur la jeunesse suicidaire de certaines communautés autochtones en détresse. J'ai regardé un film de science-fiction (Children of Men, en nomination aux Oscars à sa sortie) campé en 2027, où il était question d'une crise mondiale de migrants (!!!) et de la fin de la fertilité humaine, donc plus d'enfants sur la planète. Et cerise sur le sundae, je suis tombée sur une carcasse éventrée de maman chevreuil enceinte. 

STOP! C'est assez, mon seuil de tolérance au côté obscur de l'existence est atteint. Je lève le drapeau blanc et je prends congé des souffrances, de la lourdeur et des tourments pour un certain temps. C'est que ça finit par être pesant tout ça! Sur mes épaules en tout cas, ça l'est! D'être exposée jour après jour à du contenu dramatique, réel ou fictif, m'affecte. Ça me rend plus mélancolique, moins optimiste, plus cynique. En général, je gère assez bien ce genre d'émotions, mais là, c'est l'overdose! J'ai besoin de changer d'ambiance. Ce qui veut dire lire léger, fermer la radio, la télé itou, ne pas cliquer sur les liens de nouvelles, sauter les éditos dans les magazines,... Ouin, ça a l'air facile, mais quand on aime suivre l'actualité, lire des auteurs qui ont du chien, voir des films qui détonnent, rire jaune en écoutant de l'humour sarcastique, ce n'est pas si évident! Changer les lunettes noires pour des lunettes roses me demandera un effort, mais je suis prête à le fournir parce que là, c'est trop! Même la nature, qui habituellement me fait oublier la folie du monde, m'a joué un mauvais tour! Ça suffit!

Pour chasser toutes ces images et ces mots étouffants, je vais faire comme le petit garçon sur la photo, je vais me fermer les yeux, me coller l'oreille sur un coquillage et me concentrer pour entendre le bruit de la mer. Avec un peu de chance, il sera assez fort pour enterrer tout le tapage ambiant.




vendredi 15 avril 2016

Elles ne dansent pas avec les loups...


Parfois, l'univers nous ballotte dans des coins tellement inattendus que lorsqu'on s'y retrouve, on se sent complètement pris au dépourvu. Puis, on se ressaisit, on fait face du mieux qu'on peut et, à notre grand étonnement, on s'en tire plutôt bien. C'est ce que nous avons eu l'occasion d'expérimenter ma soeur et moi cette semaine. 

Alors que nous étions parties en escapade de ressourcement au fond des bois, un évènement un peu dramatique et totalement insoupçonné est survenu. Lors d'une balade en raquettes, parce que oui, dans la forêt profonde, il y avait encore trois pieds de neige, nous avons fait une macabre découverte. En arrivant aux abords du lac qui borde le terrain, les cris de trop nombreux corbeaux nous ont alertées, mais pas préparées à voir ça: sur la blancheur de la neige gisait une biche fraîchement éventrée et elle était enceinte puisqu'un tout petit bébé reposait près d'elle, ensanglanté. Le choc. Bien sûr, en logeant dans un chalet situé en plein bois, on savait que des bêtes sauvages pouvaient rôder dans les alentours. Mais en quinze ans de propriété, nous n'avions jamais été témoin de pareil carnage. 

Une fois le coup encaissé, nous devions nous mettre en mode solution, car les carcasses s'étalaient sur le lac qui allait sûrement dégeler avec le redoux annoncé. Elles ne devaient absolument pas tomber à l'eau puisque celle-ci alimente le chalet! On ne la boit pas, mais tout de même... Comme on ne savait pas trop quoi faire, on s'est dit qu'on avait besoin d'aide. Ma soeur a eu l'idée de génie d'appeler le service de la faune. Par chance, il y avait un bureau au village, donc en moins de deux, un agent s'est pointé pour venir examiner la scène. 

Il nous a confirmé ce qu'on craignait; la femelle avait été attaqué par un loup. Il nous a raconté qu'avec le printemps tardif, les chevreuils étaient affaiblis et qu'en plus, comme les résidents du village les nourrissent, ils sont moins vigilants et tombent plus facilement dans les griffes des prédateurs. Une quinzaine d'attaques avaient été dénombrées ces dernières semaines. Rien de bien rassurant pour nous... mais lui semblait très calme en évoquant tout ça. 

Selon son point de vue, il ne s'agissait que du court normal des choses, la loi de la nature s'appliquant tout simplement. Il a insisté sur le fait que les loups n'étaient pas dangereux pour l'homme puisqu'ils étaient réputés être peureux. Et nos inquiétudes pour les carcasses? Il les a fait disparaître en affirmant que d'ici deux-trois jours, tout allait être mangé; les animaux du coin se feraient tout un snack! En gentleman, il a tout de même accepté de tirer la dépouille de la mère sur la rive. Le bébé, lui, était rendu innatteignable, des oiseaux l'ayant "échappé" en plein milieu du lac. Mais l'agent nous a garanti qu'ils le retrouveraient... Bon. 

Le jeune homme est reparti, nous sommes rentrées et malgré ses propos réconfortants, on ne s'est pas pas ré-aventurées dans la forêt, on a préféré faire du chalet! Les loups sont peut-être peureux, mais on n'avait pas envie de vérifier disons... Et quand ce fût le temps de quitter et que nous avons découvert des pistes fraîches qui marchaient dans les nôtres, on a spontanément accéléré la cadence pour rejoindre l'auto! On a repris la route un peu ébranlées, pas du tout zen, mais quand même fières d'avoir somme toute bien géré cette mauvaise surprise qu'on n'est pas prêtes d'oublier! Tout en gardant bien en tête les sages paroles de ce jeune agent de la faune qui a dédramatisé la situation en nous rappelant les fondements du cycle de la vie! Cette notion était un peu rouillée dans nos cerveaux d'urbaines, la nature s'est chargée de la rafraîchir! ;)