lundi 18 avril 2016

Drapeau blanc


Je viens de terminer la lecture de La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen, une histoire d'adolescence embrumée par la drogue, empreinte d'amertume et de désillusions. Efficace, mais rude, très rude. Juste avant, j'avais lu Peine perdue d'Olivier Adam, un auteur que j'adore. Il écrit sublimement, mais chez lui aussi, on retrouve une dureté, un désespoir implacable dans sa façon d'appréhender le monde. Peine perdue n'y échappe pas; cette histoire de gens modestes qui se démènent avec la vie du mieux qu'ils peuvent a beau être traversée d'éclairs de tendresse, c'est le drame qui l'emporte. 

Entre ces deux romans, j'ai lu des articles ou chroniques dont les sujets étaient tous aussi réjouissants les uns que les autres: scandale des Panama papers, coupes de personnel dans les écoles, culture du nombrilisme, le Québec qui n'aime pas ses enfants, clauses de la loi 20 qui restreindraient le droit à l'avortement, etc. J'ai entendu Infoman ironiser sur la notion d'erreur qui n'existe plus, tout est pardonnable aujourd'hui et personne ne veut plus admettre qu'il a eu tort. J'ai vu des reportages sur la jeunesse suicidaire de certaines communautés autochtones en détresse. J'ai regardé un film de science-fiction (Children of Men, en nomination aux Oscars à sa sortie) campé en 2027, où il était question d'une crise mondiale de migrants (!!!) et de la fin de la fertilité humaine, donc plus d'enfants sur la planète. Et cerise sur le sundae, je suis tombée sur une carcasse éventrée de maman chevreuil enceinte. 

STOP! C'est assez, mon seuil de tolérance au côté obscur de l'existence est atteint. Je lève le drapeau blanc et je prends congé des souffrances, de la lourdeur et des tourments pour un certain temps. C'est que ça finit par être pesant tout ça! Sur mes épaules en tout cas, ça l'est! D'être exposée jour après jour à du contenu dramatique, réel ou fictif, m'affecte. Ça me rend plus mélancolique, moins optimiste, plus cynique. En général, je gère assez bien ce genre d'émotions, mais là, c'est l'overdose! J'ai besoin de changer d'ambiance. Ce qui veut dire lire léger, fermer la radio, la télé itou, ne pas cliquer sur les liens de nouvelles, sauter les éditos dans les magazines,... Ouin, ça a l'air facile, mais quand on aime suivre l'actualité, lire des auteurs qui ont du chien, voir des films qui détonnent, rire jaune en écoutant de l'humour sarcastique, ce n'est pas si évident! Changer les lunettes noires pour des lunettes roses me demandera un effort, mais je suis prête à le fournir parce que là, c'est trop! Même la nature, qui habituellement me fait oublier la folie du monde, m'a joué un mauvais tour! Ça suffit!

Pour chasser toutes ces images et ces mots étouffants, je vais faire comme le petit garçon sur la photo, je vais me fermer les yeux, me coller l'oreille sur un coquillage et me concentrer pour entendre le bruit de la mer. Avec un peu de chance, il sera assez fort pour enterrer tout le tapage ambiant.




vendredi 15 avril 2016

Elles ne dansent pas avec les loups...


Parfois, l'univers nous ballotte dans des coins tellement inattendus que lorsqu'on s'y retrouve, on se sent complètement pris au dépourvu. Puis, on se ressaisit, on fait face du mieux qu'on peut et, à notre grand étonnement, on s'en tire plutôt bien. C'est ce que nous avons eu l'occasion d'expérimenter ma soeur et moi cette semaine. 

Alors que nous étions parties en escapade de ressourcement au fond des bois, un évènement un peu dramatique et totalement insoupçonné est survenu. Lors d'une balade en raquettes, parce que oui, dans la forêt profonde, il y avait encore trois pieds de neige, nous avons fait une macabre découverte. En arrivant aux abords du lac qui borde le terrain, les cris de trop nombreux corbeaux nous ont alertées, mais pas préparées à voir ça: sur la blancheur de la neige gisait une biche fraîchement éventrée et elle était enceinte puisqu'un tout petit bébé reposait près d'elle, ensanglanté. Le choc. Bien sûr, en logeant dans un chalet situé en plein bois, on savait que des bêtes sauvages pouvaient rôder dans les alentours. Mais en quinze ans de propriété, nous n'avions jamais été témoin de pareil carnage. 

Une fois le coup encaissé, nous devions nous mettre en mode solution, car les carcasses s'étalaient sur le lac qui allait sûrement dégeler avec le redoux annoncé. Elles ne devaient absolument pas tomber à l'eau puisque celle-ci alimente le chalet! On ne la boit pas, mais tout de même... Comme on ne savait pas trop quoi faire, on s'est dit qu'on avait besoin d'aide. Ma soeur a eu l'idée de génie d'appeler le service de la faune. Par chance, il y avait un bureau au village, donc en moins de deux, un agent s'est pointé pour venir examiner la scène. 

Il nous a confirmé ce qu'on craignait; la femelle avait été attaqué par un loup. Il nous a raconté qu'avec le printemps tardif, les chevreuils étaient affaiblis et qu'en plus, comme les résidents du village les nourrissent, ils sont moins vigilants et tombent plus facilement dans les griffes des prédateurs. Une quinzaine d'attaques avaient été dénombrées ces dernières semaines. Rien de bien rassurant pour nous... mais lui semblait très calme en évoquant tout ça. 

Selon son point de vue, il ne s'agissait que du court normal des choses, la loi de la nature s'appliquant tout simplement. Il a insisté sur le fait que les loups n'étaient pas dangereux pour l'homme puisqu'ils étaient réputés être peureux. Et nos inquiétudes pour les carcasses? Il les a fait disparaître en affirmant que d'ici deux-trois jours, tout allait être mangé; les animaux du coin se feraient tout un snack! En gentleman, il a tout de même accepté de tirer la dépouille de la mère sur la rive. Le bébé, lui, était rendu innatteignable, des oiseaux l'ayant "échappé" en plein milieu du lac. Mais l'agent nous a garanti qu'ils le retrouveraient... Bon. 

Le jeune homme est reparti, nous sommes rentrées et malgré ses propos réconfortants, on ne s'est pas pas ré-aventurées dans la forêt, on a préféré faire du chalet! Les loups sont peut-être peureux, mais on n'avait pas envie de vérifier disons... Et quand ce fût le temps de quitter et que nous avons découvert des pistes fraîches qui marchaient dans les nôtres, on a spontanément accéléré la cadence pour rejoindre l'auto! On a repris la route un peu ébranlées, pas du tout zen, mais quand même fières d'avoir somme toute bien géré cette mauvaise surprise qu'on n'est pas prêtes d'oublier! Tout en gardant bien en tête les sages paroles de ce jeune agent de la faune qui a dédramatisé la situation en nous rappelant les fondements du cycle de la vie! Cette notion était un peu rouillée dans nos cerveaux d'urbaines, la nature s'est chargée de la rafraîchir! ;)