vendredi 30 octobre 2015

Faire confiance

 
Oeuvre de Patrick Bernatchez, tirée de l'exposition Les temps inachevés présentée au MAC


J'ai été mère poule avec mes filles, je m'en confesse. Je ne les ai peut-être pas assez laissé explorer, fouiner, essayer malgré les risques, foncer sans se préoccuper du danger, dépasser les limites, déborder, déranger même. Pour leur éviter un max de bleus et de bosses je l'avoue, mais aussi par souci de civisme et de respect, ce qui n'excuse pas l'attitude trop frileuse, mea culpa. Mais. Mais maintenant qu'elles sont trop grandes pour que je les garde sous mes jupes (je ne voudrais plus de toute façon, liberté!), je constate que je leur ai peut-être fait confiance autrement.

C'est la réflexion que je me suis passée hier en les voyant se promener d'une salle à l'autre, intriguées de voir les oeuvres que mon cousin Patrick Bernatchez, un artiste qu'on pourrait qualifier d'underground, expose au Musée d'Art Contemporain de Montréal. Elles étaient un peu déstabilisées devant ses films sans "histoire" et ses dessins apocalyptiques, mais elles n'ont pas demandé à s'en aller après cinq minutes, elles étaient contentes d'être là! Sensibles à l'atmosphère étrange, intéressées par la force des symboles, touchées par la beauté inhabituelle de ce qui se déployait devant leurs yeux. Moi qui avais un peu hésité à les amener en me disant que c'était une forme d'art trop complexe pour des enfants, quand j'ai vu la petite étincelle dans leur regard allumé, mon coeur s'est gonflé d'une immense fierté! Mes filles sont ouvertes à la différence, curieuses de découvrir "autre chose" que ce qu'on leur propose habituellement et je trouve ça merveilleux, autant que si elles remportaient une médaille aux olympiades! 

Comprenez-moi bien, je ne dénigre en rien les réussites sportives, au contraire, on a toujours encouragé les filles à faire du sport et à y mettre l'effort! Et ne pensez surtout pas qu'on snobe la culture plus "populaire" parce qu'on essaie de leur faire connaître des chemins moins fréquentés; Barbie, Cendrillon et Marie-Mai ont fait partie de notre univers en masse! Mais de les voir réagir de cette manière hier soir m'a fait réaliser que toutes les fois où nous les avons trimballées avec nous dans les festivals folk ou jazz, dans les musées de la mer ou des Beaux-Arts, dans les salons du livre ou les concerts, c'était aussi une façon de leur faire confiance. Faire confiance en leur capacité d'appréhender le monde de mille façons, que ce soit en lisant des BD, en jouant à Just Dance ou en écoutant une bande-son produite par des disques qui sautent, fruit de l'imaginaire d'un artiste contemporain! 

"L'ouverture d'esprit n'est pas une fracture du crâne" chantait Ariane Moffatt. Faites confiance à vos enfants, vous serez surpris! :)


mercredi 28 octobre 2015

Mille après mille avec bébé

Deuxième publication chez Mère Hélène, bonne lecture!


J’ai habité trois ans dans la belle ville de Rimouski, l’appel des régions s’étant fait entendre alors que j’élevais ma première fille au deuxième étage d’un duplex dans Villeray, à Montréal. Mon conjoint a grandi dans un rang de campagne du Lac St-Jean et moi, j’ai vécu une partie de mon enfance à Tétreaultville, un quartier jouxtant les fameuses raffineries qui caractérisent l’est de la métropole. Heureusement, comme mes parents sont Gaspésiens, j’ai passé tous mes étés d’enfance à Mont-Louis, petit village au bord de notre mer à nous, le golfe du St-Laurent. Ces séjours ont été pour moi de véritables bouffées d’oxygène, c’est le cas de le dire! 

Or, comme mon père a vendu notre chalet à la fin de mon adolescence, je n’ai pas eu la chance d’y emmener mon bébé pour le faire sortir de la grande ville. Confinée dans mon haut de duplex, j’étouffais un peu. Est alors née cette idée folle d’aller vivre en région. Puisque mon chum en provenait, il n’était pas contre. Avec le genre de profession qu’il exerçait, il avait la possibilité de se trouver un emploi assez rapidement en milieu rural. De mon côté, je n’avais plus d’engagement envers aucun employeur et à part ma famille et mes amies (un gros morceau tout de même!), plus rien ne me rattachait à cette vie en ville. Alors nous avons cherché et nous avons trouvé! 

Quelques mois plus tard, nous emménagions dans un quatre et demi à Rimouski, à une minute de la rivière du même nom et à cinq du mythique fleuve, le bonheur! Sauf que. Sauf que les miens se retrouvaient à six heures de route! Idem pour la famille de mon chum, mais ça, nous y étions déjà habitués puisque Montréal-St-Prime représentait à peu près la même distance. Ma fille, qui n’avait pas deux ans, se retrouvait donc coupée de sa marraine chérie, de ses grands-parents qu’elles voyaient à chaque semaine, bref coupée des adultes signifiants qui peuplaient son univers. 

Skype et autres facilités de communication à distance n’existaient pas à l’époque et bébé était beaucoup trop jeune pour jaser au téléphone. Alors comment avons-nous fait pour entretenir ces liens si précieux à cet âge? Nous avons fait du millage! Dieu que nous en avons avalé des kilomètres durant cette période! J’ai dû développer des trésors d’imagination pour occuper notre petite passagère qui dormait très peu en voiture. Pas de IPod, de IPad ou de lecteur DVD au plafond de l’auto. Nous partions avec une cargaison de CD digne de n’importe quel DJ et je lui faisais des chansons-surprises, elle adorait ça! Sinon, elle pigeait dans son bagage à main regorgeant de petits bonhommes, de carnets d’autocollants et autres distractions de poche facile à utiliser en voiture. Et quand ça ne suffisait plus, j’allais la rejoindre derrière et je lui lisais des histoires, ou j’en inventais avec des marionnettes au bout de mes doigts. Et on y arrivait, en un morceau et (presque) de bonne humeur! 

Encore aujourd’hui, rendue à quatorze ans, elle se rappelle de ces voyages et de leurs chansons-surprises. Il lui arrive même, une fois de temps en temps, de m’en demander lorsqu’on a une longue route à faire; presque plus en fait, les écouteurs et les playlists ayant remplacé les pochettes à CD et les oreilles curieuses et grandes ouvertes. C’est correct, à chaque âge sa réalité. Mais je m’ennuie parfois de cette époque où nous partagions un « moment » lors de nos déplacements, où nous étions véritablement ensemble, pas juste assis l’un à côté de l’autre, chacun dans sa bulle.

Bon, suffit la nostalgie, ce que je tente de vous dire en évoquant ces souvenirs de voyages en voiture avec bébé à bord, c’est qu’il y a moyen de rendre les longs trajets agréables, encore plus facilement aujourd’hui et pas seulement à cause de la technologie. Allez jeter un coup d’œil sur les trouvailles ingénieuses proposées dans la section En voiture du site de Mère Hélène, notamment pour faciliter l’ergonomie des déplacements. Ou encore CD musique pour aider votre poupon à s’endormir en route. Ça ne vous fera peut-être pas arriver plus vite, mais certainement plus détendu! Parce qu’un bébé qui nous chante la pomme à pleins poumons huit heures de temps dans l’auto, ça peut créer de légères tensions… Sur ce, bon voyage en famille!

mardi 20 octobre 2015

Botanique politique


Je suis une indécrottable romantique. En 1980, alors que je n'avais que 9 ans, une graine a été semée dans ma petite tête, mais surtout, dans mon petit coeur d'enfant et elle continue de pousser, malgré les années qui passent, malgré les défaites et les revers, malgré les "non" à répétition, malgré  le désenchantement et le désengagement qui s'en est suivi. Elle survit, même si on me dit qu'elle n'en vaut plus la peine, que plus personne (ou pas assez) n'y croit, que de toute façon, elle est mal représentée, qu'il serait temps de passer à autre chose. Elle résiste, presque malgré moi, parce qu'elle me renvoie à mon identité, à qui je suis, à mes racines, mon histoire. Elle est encore là, et le sera probablement toujours parce que cette graine a germé dans un terreau riche d'émotions, de rêves, d'espoir. Une graine m'a poussé dans le coeur et je suis incapable de l'arracher, même au lendemain d'une vague rouge foncé. 

Après la vague orange, j'espérais un peu plus de bleu pour lui redonner de la vigueur. Ce n'est pas arrivé, ça n'arrivera probablement plus jamais et c'est ici que la romantique entre en scène, car ça me crève le coeur, un peu comme une peine d'amour. Il n'y en aura pas de "prochaine fois". J'ai beau le raisonner avec ma tête, mon coeur ne l'accepte pas, puisque la graine est toujours là. La v'limeuse qui me fait croire à chaque fois que c'est possible! Pourtant, à force de se faire raser du paysage, elle devrait bien finir par disparaître! Mais non, elle s'accroche, pareil à de la mauvaise herbe qui se faufile à travers les craques du trottoir; elle continue à pousser même si on lui marche dessus! 

Alors, je la laisse là, tige un peu sèche, sans fleur, mais si profondément enracinée qu'aucun raz de marée peut en venir à bout. Un jour peut-être, mes filles la verront fleurir, car la graine, je l'ai semée dans leur coeur à elles aussi, pour la beauté de rêver grand, de croire en l'impossible. Elles devront à leur tour apprivoiser le goût amer de la déception, mais auront la richesse d'être habitées par des convictions. Un mot plus inspirant que stratégique il me semble. Je suis démodée, je le sais. Il ne faut pas être passéiste! Il faut se mettre au diapason de notre époque! Sinon, on passe pour des vieux nostalgiques, ou pire, des indécrottables romantiques. 

Fin du post-mortem, je tourne la page et retourne à la vraie vie; vous avez vu les couleurs dehors, beaucoup de rouge n'est-ce pas? ;)

mercredi 7 octobre 2015

Être là

 
toile de Michael H Prosper

Avez-vous regardé la lune rouge? Vous êtes-vous laissés impressionner par ce phénomène naturel rarissime? Ou avez-vous choisi d'écouter ce que matricule 728 avait à dire pour sa défense? Chez nous, la télé était allumée, mais pas de son! Tout le monde en parle sur "mute", disons que c'est pas mal moins percutant! On a donc opté pour l'émerveillement plutôt que pour l'amertume. Parce qu'après tout, dans vingt ans, on se rappellera encore de la lune rouge, les propos de 728 par contre? Pas sûre!

Nous vivons à une époque où on ne veut rien manquer, l'écran toujours au bout du doigt ou de la zapette. Mais en agissant ainsi, on se coupe bien souvent de l'essentiel: la communication en temps réel avec du vrai monde qui partage "live" ce qu'on est en train de vivre! C'est comme ça que se forgent les souvenirs, pas en écoutant des vedettes raconter leurs vies ou en regardant des vidéos de chats!

Je ne juge personne ici, j'ai moi-même l'index qui dégaine assez facilement, j'essaie juste de me ramener parmi les "vivants" le plus souvent possible. Regarder à travers mes yeux à moi, entendre la bande-son de ce qui se déroule autour de moi sans contrôler le volume, être à l'écoute de ce qu'on me raconte même si ça dure plus de deux minutes et que ce n'est pas rocambolesque, me laisser toucher par un câlin improvisé sans caméra pour le filmer, rire des blagues un peu plates de ma fille plutôt que du singe qui danse le twist.

C'est vrai que ce qu'on voit sur nos écrans est souvent plus divertissant que ce qui se passe dans notre salon un mardi soir! On a besoin de s'évader quelques secondes de la routine, d'oublier cinq minutes la lourdeur du monde, de se débrancher le cerveau en rigolant ou en potinant? On étire le doigt et voilà, pas plus compliqué que ça! Ça donne parfois des scènes surréalistes où tout le monde est assis sur le même divan sans que personne se parle, chacun dans sa bulle. Le comble du "tout seul ensemble"! 

Je n'aime pas voir ça, c'est une image qui m'attriste, me fait sentir coupable sur le champ puisque j'y participe! Alors je lâche tout et demande aux autres d'en faire autant. On ferme les appareils, on coupe le son et on sort voir la lune rouge, tous collés sur le balcon. On se fabrique des souvenirs impérissables, enregistrés sur notre carte-mémoire familiale, pas mal plus précieuse que celle des bidules qui commencent par Je (I-...) . Être là, pas avec Guy, Julie ou 728, pas avec le singe, la mariée ou le casse-cou, être là, ici et maintenant, avec ceux qui comptent pour vrai, même s'ils sont un peu plates, déprimants ou énervants, parce que c'est ça la vie! 

Une blogueuse qui prône la déconnexion, ce n'est pas très vendeur ça! En fait, c'est plus de modération dont il est question, vous aviez compris n'est-ce pas? Êtes-vous encore là??? Partis voir la lune peut-être? Bravo! :)