samedi 25 juillet 2015

Par amour des mots



Pourquoi écrire? Écrit-on pour soi ou pour les autres? Écrit-on parce qu'on aime écrire ou parce qu'on a envie de partager quelque chose? Écrit-on pour le seul plaisir de jouer avec les mots, pour coucher sur papier nos opinions, impressions ou émotions, pour se délester d'un poids, s'exprimer, dénoncer, encenser? Ou écrit-on, fondamentalement, pour être lu? 

Vous me direz qu'il en dépend du type d'écriture, de l'intention qui anime celui qui écrit; l'ado qui noircit les pages de son journal intime ne souhaite pas être lu, bien au contraire! La chroniqueuse, par contre, le désire ardemment! Mais quand, malgré ce qu'elle souhaite, ça n'arrive pas, que se produit-il? Elle continue envers et contre tous parce que c'est plus fort qu'elle? Elle remet son talent en question et se dit qu'elle devrait aller vendre des chaussettes? Elle se réoriente et rédige des recettes pour un magazine culinaire? Que fait la chroniqueuse qui n'est pas lue? Elle écrit dans le vide?

Je me pose la question, car je me rends compte que quand on publie des textes, même modestement, même en sachant pertinemment qu'on n'atteindra pas un large lectorat et que c'est tout à fait normal vu notre statut "d'anonyme dans la foule", ce n'est pas facile de rester motivée à écrire lorsqu'on sait qu'on n'est pas ou peu lu. Surtout aujourd'hui, avec toutes ces statistiques de visibilité sur les réseaux sociaux et ces décomptes de "like", impossible d'ignorer que notre texte est tombé à plat! Celui qui publie à chaque semaine malgré une maigre récolte de pouces en l'air, de partages ou de commentaires a toute mon admiration! Car oui, c'est tough de persister et de signer quand tu as l'impression d'écrire dans le vide! 

Mais, il y a un mais! Mais quand on aime utiliser les mots pour dire tout haut ce qu'on pense tout bas, pour laisser parler son coeur ou sa tête de cochon, pour raconter une histoire, la nôtre ou celle des autres, pour rire de ses petits malheurs ou pleurer ses grands chagrins, quand l'écriture devient une pulsion, un besoin, qu'on réalise qu'elle nous fait du bien et qu'elle se suffit à elle-même, on arrête d'attendre d'être lu et on continue d'écrire parce qu'on aime ça, point. 

La chroniqueuse qui n'est pas lue, donc, n'écrit pas dans le vide. Elle écrit par passion, c'est déjà beaucoup. Et lorsque cette passion résonne, touche les autres, fait vibrer des cordes sensibles et crée des cercles concentriques qui s'étendent à perte de vue, comme lorsqu'on lance un caillou à la surface de l'eau, elle le reçoit comme une belle grande tape dans le dos qui lui dit "Continue!". Elle continuera de toute façon, par amour des mots. 


mercredi 15 juillet 2015

L'envers du décor


Tadoussac, été 2009. Nos filles se tiennent la main sous une véranda garnie de jardinières généreuses, sourires aux lèvres. Décor idyllique, enfants radieux, quand on voit ça, on a envie de s'exclamer "Chanceux!", non? 

Bien sûr qu'on se réjouit pour nos amis, proches ou autres personnes signifiantes qui partagent ces instants de bonheur croqués sur le vif, mais parfois, soyons honnêtes, toutes ces photos de vie rêvée qui défilent sur nos réseaux sociaux nous donnent juste le goût de crier "Ma vie est donc ben plate!!!"

Jalousie? Peut-être un peu. Mais attention, avant de vous mettre en mode comparaison et de déprécier votre existence, n'oubliez pas que ce cliché qui vous fait soupirer ne représente qu'un bref moment dans la totalité d'une journée, d'un évènement, d'un voyage, etc. Quelques secondes qu'on a immortalisées pour la postérité, en choisissant le plan de vue, l'angle, la lumière, les sujets, etc, bref une micro "mise en scène" pour se créer des souvenirs. On ignore ce qui s'est passé avant ou après que le photographe ait appuyé sur le bouton. Normal, une photo est un instantané, l'histoire qui vient avec n'est pas comprise!

C'est en me passant cette réflexion que je me suis dit que ce serait bien, quelquefois, d'en savoir un peu plus sur le contexte entourant l'image qu'on nous présente. Tadoussac, été 2009 donc...

La photo a été prise à l'Hôtel Tadoussac, lieu historique de villégiature et point central du village. Un endroit magnifique où on aurait bien aimé loger, mais non!!! Trop au-dessus de nos moyens! On s'est contenté de flâner autour comme si on était des clients. On a fait semblant, bête de même! Les petites exhibent un joli sourire parce qu'on leur tartinait pas mal épais à quel point c'était merveilleux ce lieu, alors que dans leurs yeux d'enfants, c'était ordinaire! Nous les parents, on pensait au splendide appartement (sic!!) qu'on s'était déniché au-dessus d'un restaurant et on le trouvait vraiment, vraiment extra l'hôtel...  

Vraiment extra aussi ce documentaire présenté au Centre d'interprétation des baleines dont on n'a jamais vu la fin parce que le chant des gros cétacés terrorisait notre progéniture! Tout comme le sensationnel trajet pour se rendre sur un site d'observation pendant lequel il a fallu arrêter en quatrième vitesse parce que la plus jeune avait la nausée! Et que dire de l'enthousiasme débordant de notre plus vieille à la lecture des menus de restos fréquentés ce jour-là... 

Bref, vous comprenez le topo; la photo associée à cette journée est superbe, mais ça ne signifie pas pour autant que TOUT l'était! La vie, avec tout ses petits soucis et anicroches, s'est mise sur pause le temps qu'on se fabrique un beau souvenir, un peu arrangé avec le gars des vues, il faut le dire! Parce que oui, ça fait du bien des fois "d'améliorer" la réalité, c'est bon pour le moral! Pour le nôtre en tout cas, pour celui des autres qui regardent la photo, pas sûr... ;)

La prochaine fois que vous ferez la tournée de vos médias sociaux, ne déprimez pas en voyant la mine bronzée de votre copain assis au bord d'une mer turquoise, il a peut-être la tourista, mais ça, vous ne le saurez pas! (et c'est bien mieux comme ça!!!)

PS: Malgré ce qui peut en transparaître dans ce billet, nous avons vécu un fantastique séjour à Tadoussac, maux de coeur et ronchonnage inclus! ;)








mercredi 8 juillet 2015

Je m'interroge...

J'ai terminé la lecture de cet essai dernièrement: 



Une petite plaquette qu'on reçoit comme un pavé dans la mare du bonheur qui a le dos large, il faut bien l'avouer. On nous le sert à toutes les sauces depuis quelques temps, vous avez remarqué? Comme s'il devait être présent dans TOUTES les sphères de notre vie: 
-en faisant l'épicerie "Mmmm, sentez cet ananas!" -j'ai beau sniffer, je ne sens rien, un ananas vert pas mûr, ça sent rien!
-en achetant une voiture "Laissez vous transporter dans une autre dimension" -laquelle, la quatrième?!!
-en lavant la vaisselle " Savon à odeur de lotus bleu qui incite à la méditation" -les mains dans l'eau graisseuse, je plane...
-même en lavant nos bobettes "Grâce à notre assouplisseur, vous ferez des beaux rêves!"  -des bobettes qui sentent la lavande, ça m'aide pas à dormir, ça me donne des boutons!

Bref, le bonheur est à la mode, on ne se gêne pas pour l'utiliser comme argument de vente et pas seulement pour les produits de consommation, comme nous le fait réaliser Marie-Claude Élie-Morin, l'auteure du bouquin coup de poing. Dans les mondes du travail et de la santé entre autres, on louange les mérites d'une attitude positive qui fait toute la différence, on veut des gens optimistes, sereins, épanouis pour accomplir un boulot ou vaincre une maladie. Malheureusement, cette recherche de l'attitude du "gagnant" conduit parfois à des dérives du genre: si vous vous laissez à la tristesse, à la déprime, au découragement, votre échec sera entièrement de votre faute. Bien sûr qu'aborder la vie avec le sourire plutôt qu'avec un nuage noir au-dessus de la tête aide à relever les défis, à traverser les écueils, les épreuves, mais de là à penser que si on n'est pas rayonnant de bonheur, on n'arrivera pas à boucler un gros dossier ou pire, à guérir d'une maladie, c'est grave!  Est-ce là l'un des effets pervers de l'omniprésence du concept du bonheur dans notre imaginaire collectif: nous culpabiliser de ne pas être assez heureux tout le temps, pour tout? 

Mme Élie-Morin soulève la question en nous racontant notamment l'histoire de son papa, mort fâché de ne pas avoir surmonté une récidive de cancer malgré un style de vie zen avec un grand Z. S'accuser d'être l'artisan de son propre malheur parce qu'on n'a pas réussi à être suffisamment heureux? Je ne sais pas pour vous, mais ça sonne drôle, non? Ça m'apparaît si paradoxal! Je m'interroge...

Je m'interroge car c'est un sujet qui me touche et m'interpelle. Le bonheur est mis de l'avant chez nous, par toutes sortes de moyens simples qui tentent de nous ramener à l'essentiel: une vie branchée sur le coeur le plus souvent possible, pour éviter de tomber dans les pièges du stress, de la morosité, de l'apathie. Une tasse de thé, un morceau de chocolat, une chanson qui nous fait vibrer, un film qui nous bouleverse, écrire dans un cahier, gribouiller, s'exprimer en créant un petit quelque chose, flatter un petit animal qu'on aime, lire, être curieux, découvrir, apprendre, rire, être ensemble, s'aimer, voilà à quoi le bonheur ressemble chez nous. Pas de pression ou de culpabilisation d'être trop ceci ou pas assez cela, le moins souvent possible en tout cas. Du bonheur donc, mais sans tomber dans les extrêmes. 

J'endosse les théories du bonheur lorsqu'elles me sont présentées avec ouverture d'esprit, flexibilité, douceur, humour, pas quand elles sont rigides comme les dix commandements; fais ci, fais ça, sinon, point de salut! Ou qu'on me les impose comme étant la vérité suprême; souris à l'univers et l'univers te sourira -c'est ça LE secret?? Et ce n'est pas parce que je dis oui au bonheur que je n'ai plus le droit d'être en colère, triste ou anxieuse! Pensez que des gens s'empêchent de vivre ces émotions de peur de provoquer un malheur m'inquiète. 

Donc, je m'interroge: le bonheur, dictature ou pas?